Le lapin usagi est l’un des animaux phare de la mythologie japonaise qui a su marquer de ses quatre pattes le folklore nippon.
Emblème de cette année 2023, nous vous emmenons à la découverte du lapin et de sa symbolique à travers deux histoires régulièrement reprises dans les arts décoratifs japonais.
L’origine du lapin lunaire blanc : le plus connu de tous
Les premières traces du mythe du lapin blanc résidant sur la Lune se retrouvent dans les Jātakas, les 547 contes racontant la vie du Bouddha historique (récits composés entre le IIIe s. av-JC et IIIe s. après JC).
Parmi ces jātakas certaines fables ne mettent en scène que des animaux dans lesquelles le futur Bouddha est incarné dans le corps d’un animal tel qu’un oiseau, un poisson, un singe… ou un lapin.
Dans l’une d’elles, un lapin (incarné par le Bouddha), un singe, une loutre et un renard jurent de faire des actes de charité le jour de la pleine Lune. Ils avaient rassemblé de la nourriture à leur goût lorsqu’ils rencontrèrent un mendiant affamé.
Le singe, la loutre et le renard lui donnèrent leur nourriture, mais comme le lapin n’avait que de l’herbe, il ne donna rien estimant que cela était insuffisant et il décida de se jeter sur le feu afin que le pauvre homme puisse le manger. Mais, touché par ce geste, le mendiant sauva le lapin du feu et il révéla sa vraie nature : il était en réalité la divinité Sakra (le Roi des Dieux) !
Pour remercier le lapin de son dévouement, il l’emmena vivre sur la lune pour l’éternité afin que son altruisme puisse être vu par le monde entier.
Depuis ce jour, un lapin est bien présent sur la lune !
Une histoire qui a évolué !
Cette histoire, d’abord d’origine indienne, fut ensuite transmise en Chine avec un lapin accompagnant la déesse taoïste de la Lune Chang’e 嫦娥 et ayant pour habitude de fabriquer un élixir de longue vie.
Ce n’est qu’au Xème s. que l’histoire fut retranscrite au Japon dans un recueil de contes appelé Kojaku Monogatari et, magie de l’histoire, le mythe s’est mêlé à l’imagerie populaire japonaise… Le lapin ne préparant plus un elixir mais du mochi (ndlr. Les petites boules de pate de riz moelleuses et savoureuses appellées aussi gyeongdan en Corée).
Mais pourquoi le lapin prépare t-il du mochi et non plus un élixir ?
L’une des explications est qu’en japonais, l’une des appellations de la pleine lune est « mochitsuki », or la fabrication du mochi au pilon et mortier se dit aussi « mochitsuki ».
Une autre raison serait l’illettrisme du peuple japonais (rappelons qu’à l’époque, seuls les lettrés savaient manier les kanji) et le lapin aurait pu finalement se voir attribuer un acte visible au quotidien à savoir la fabrication du mochi.
Le thème de la Lune et du lapin, seul ou préparant du mochi, va donc se retrouver à travers tous les pans de la création japonaise : estampes, tsuba, maedate et sashimono (décoration de casques de samouraï)… mais aussi coréenne (tissus, peintures, paravents…)
Une autre histoire : celle du lapin blanc d’Inaba
Ōkuninushi, l’un des nombreux descendants de Susanō (ndlr. dieu des tempêtes dans le shintoïsme), se rendit en compagnie de ses 80 frères dans la province d’Inaba (aujourd’hui préfecture de Tottori) pour demander la main de la princesse Yagami.
En chemin, ils rencontrairent sur une plage un lapin écorché vif.
L’animal leur raconta qu’il avait traversé la mer depuis l’île voisine, sur laquelle il s’ennuyait. Afin de rejoindre Inaba, il s’est joué des requins en leur demandant de s’aligner dans l’eau sous prétexte de pouvoir les compter pour savoir qui des lapins ou des requins étaient les plus nombreux.
Le malin lapin réussit ainsi à traverser la mer, mais en arrivant sur le dernier requin, il avoua les avoir trompés et ne pas savoir compter. Vexé, le dernier requin arracha la peau du lapin, pu finalement s’enfuir de justesse.
Les 80 frères d’Ōkuninushi conseillent au pauvre animal de se jeter dans la mer, puis de laisser sécher sa peau au vent pour soigner ses blessures. Seulement le sel contenu dans l’eau attaqua la chair à vif du lapin, qui se tordit de douleur sous les rires de la fratrie.
Ōkuninushi lui conseilla alors de se plonger dans l’eau d’une source, puis de se rouler dans du pollen de jonc. Le lapin s’exécuta, et miracle il vit sa peau guérir et il pu ainsi retrouver son beau pelage blanc.
En remerciement,le lapin prédit à son sauveur qu’il épousera la princesse Yagami, événement qui se réalisa !
Là aussi, cette histoire fut régulièrement reprise dans les arts traditionnels japonais comme l’estampe.